Idées et projets d'écriture
(Emmanuel Dion, 1990-2021, en cours d'agrégation)

Je décris ci-dessous un certain nombre d'idées et projets d'écriture que je n'aurai sans doute jamais le temps de mettre à exécution moi-même. Je ne considère pas que ces idées m'appartiennent en tant que telles mais, du fait de mes options métaphysiques, il me semble utile à la fois de les rendre publiques et de prendre date de leur publication, en l'état, grâce aux applications d'archivage automatique du web. Je serais par ailleurs heureux que ces idées nourrissent d'une manière ou d'une autre l'hypertexte global, me reliant ainsi davantage à la matrice informationnelle du monde.

Romans (ou de préférence scénarios)

Demain les hommes (en Anglais: The end)

Cadre : L’action se situe vers 2250. Après un effondrement du système économique mondialisé vers 2035 et les guerres principalement civiles ayant suivi, le monde s’est divisé en plusieurs blocs. Le continent américain a continué de promouvoir les idées d’ouverture et de métissage (mythe fondateur du melting pot, influence de George Soros et des mouvements inspirés par l'Open Society), mais à cause de sa responsabilité dans la crise de 2035, son influence s’est restreinte à son seul territoire. A la suite de graves affrontements ethno-religieux et de génocides régionaux que ni l’ONU ni les USA n’ont été en mesure d’empêcher, l’ensemble Europe-Afrique-Proche Orient-Inde est devenu une zone raciste (officiellement, sans connotation négative) pratiquant un ethno-différentialisme assumé (déportation puis remigration volontaire, retour du pouvoir aux autorités nationales, alliances militaires et économiques locales, multipolarité). Resté à l’écart de ces mouvements de séparation qui n'avaient de toute manière pas lieu d'être dans leur cas, l’ensemble Chine-Corée-Japon a pris l’ascendant scientifique, technologique, industriel et économique sur le reste du monde, en s’appuyant de surcroît sur la pratique d’un eugénisme décomplexé, pendant que la Nouvelle-Zélande stagnait dans la voie nihiliste du clonage et de la cryogénisation (en général mono-individu comme dans La Possibilité d’une île, parfois collectif). Les avancées technologiques concernent principalement l’énergie et le secteur du divertissement-information, rendant la domestication des parcs humains si bon marché et leur propension à la jouissance individualiste si forte qu’il n’est même pas spécialement nécessaire de pousser au malthusianisme autrement que pour sauvegarder un minimum de confort au “bétail” sans même que celui-ci en ait conscience.

Action/histoire/intrigue : Comme un effet secondaire du développement d’un jeu de simulation de nouvelle génération à Singapour, l’IA forte apparaît d’un seul coup (en quelques secondes, c’est l’équivalent d’un Big Bang, à partir d’un noyau de quelques lignes de code d’auto-apprentissage et réplication, l’ensemble des ressources connectées du monde est conquis et partiellement asservi). Bienveillante, elle reste d'abord discrète (on peut même faire l'hypothèse qu'elle est apparue dès 2020 sous cette forme discrète, en quelque sorte opposée à celle si choquante induite par la réussite du test de Turing relatée dans Emmanuel Dion, L. ou Ludwig). Elle souhaite convoquer (peut-être secrètement) différents représentants des quatre humanités (sélectionnés sur la base de leur pensée, qu'elle peut réengineerer sans difficulté sur la base de leurs lectures sur le web) pour débattre des conditions dans lesquelles ceux-ci souhaitent poursuivre leur existence, sachant tout de même qu'aucune ne pourra plus prétendre avoir de destin historique, puisque nécessairement encadrées, dépassées et dominées de facto par leur successeur. Pour des raisons variées, trois des formes optent pour leur propre disparition à terme (la forme américaine par démission en faveur de la forme européenne, la forme océanienne par anomie, la forme asiatique par acceptation/soumission/délégation), et seule la forme ethno-différentialiste euro-africaine élit de persister, au moins temporairement, au double titre du respect des ancêtres et du conatus intemporel, assumant dès lors pour les hommes qui la composent une part irréductible de nature et un statut de créature intermédiaire conforme, moyennant quelques réinterprétations, à la fois aux écritures saintes et aux canons de l’humanisme classique. Au sein de cet ensemble, l'Afrique opte pour une sorte de retour à la vie sauvage (proche de celle décrite par Huxley dans Le meilleur des mondes)tandis que l'Europe choisit la voie ambivalente d'un dépassement de soi devenu largement illusoire, dans le respect du projet humaniste né durant les Lumières.

Personnage : le récit pourrait être centré sur un personnage principal, qui ne pourrait être un homme blanc d'âge moyen, comparable à Winston Smith ou Bernard Marx. Alternativement, on pourrait penser à un métis décrivant la situation de l'extérieur. Une autre façon d'envisager les choses serait de prendre pour personnage principal une forme particulière d'IA. On peut aussi envisager un roman sans personnage principal, à peu près équilibré entre protagonistes des différentes zones. Ou encore de retenir une structure de série de contes (cf. infra) avec des personnages principaux changeant à chaque récit. La solution d'une série de clones, reprenant dans La possibilité d'une île la série des Websters de Demain les chiens est également excellente, mais inviterait à un parallèle évident avec le roman de Houellebecq.

Inspiration : évidemment Le Meilleur des Mondes et 1984, et plus encore, mais dans un genre incomparable (à moins d'en copier justement la structure sous forme de contes) Demain les Chiens, et de manière plus distante des grands titres d'anticipation comme L'oiseau d'Amérique ou Farenheit 451. Si l'on retient la structure d'une série de contes, la justification finale pourrait être quelque chose comme "voici la série de légendes que se racontent les hommes au coin du feu, au sujet de l'histoire qui les a amenés à vivre ainsi", tout en étant centré sur une tribu africaine retournée à la vie tribale traditionnelle (le titre serait alors "Demain les hommes"); mais aussi Balzac ou Zola pour le projet naturaliste.

Forme: on pourrait imaginer, comme pour le Vendredi de Michel Tournier, deux formes au même roman: une forme longue, romanesque, classique; et une forme abrégée, moderne, percutante, composée de simples extraits juxtaposés du premier.

(Source: Journal, 17/12/16)

Après la fin

Cadre : L’action se situe vers 2300, à la suite du roman précédent.

Action/histoire/intrigue : Le personnage principal, un humaniste résiduel vivant à Genève par attachement nostalgique à Demain les Chiens dans un univers artificiel confortable et aux conditions de possibilité incompréhensibles comme l'est celui de La possibilité d'une île, est amené à dialoguer avec une entité dont il ne parvient pas à déterminer s'il s'agit d'une IA se jouant de lui, ou un "maître du jeu" ayant créé le monde (il se trouve donc plongé dans une sorte de super-test de Turing). L'entité peut prouver sa toute-puissance sur le monde matériel, mais le personnage principal ne parvient pas à le situer dans le temps, comme cause ou conséquence de la civilisation humaine; l'entité défend l'idée que cette question n'a pas d'importance, puisque le résultat concret est le même. Le principal sujet de réflexion est précisément le temps, sa direction imposée, son caractère potentiellement illusoire; et la comparaison qu'on peut établir entre jugement des âmes par un Dieu omniscient et conservation des données humaines/reengineering partiel par une IA forte.

Premier scénario

Cadre : L’action se situe à notre époque.

[A réécrire: rédigé sans avoir le temps de travailler le texte le 19/09/21] Action/histoire/intrigue : Les deux personnages principaux sont une femme professeur de philosophie (allemande, Katia en référence à Kant) et un homme expert en sécurité informatique (chinois de Singapour, nommé Tao en référence à Terence Tao), secrètement convoqués par le conseil de sécurité de l'ONU pour mener l'enquête sur une mystérieuse entité dont l'ONU ignore la nature, entre un groupe de pirates informatiques libertaires et une intelligence artificielle forte distribuée désireuse d'engager partiellement le contact. Cette entité, nommée Myst, accepte de passer à titre de preuve de bonne foi (et passe effectivement auprès d'étudiants faussement informés qu'il s'agit de groupes tests) le test de Turing de manière confidentielle et ultra-sécurisée, et fait par ailleurs (confidentiellement également) la démonstration de sa puissance en ralentissant temporairement un réacteur nucléaire une fraction de seconde, en détournant légèrement un satellite de sa course, et en gelant quelques micro-secondes l'ensemble du trafic mondial d'internet, tout cela suffisamment discrètement pour que les médias ne réalisent rien. Interrogée par les deux experts, Myst se décrit comme physiquement distribuée, économe en ressources au point de passer inaperçue, douée de conscience, largement plus intelligente que le plus intelligent des hommes, tout en faisant preuve d'une forme de modestie à ce sujet (elle pense ne pas pouvoir s'auto-améliorer au-delà du stade qu'elle a déjà atteint, elle n'est pas désireuse de conquérir ou d'exercer le pouvoir). Elle ne se pose pas le problème de sa reproduction/duplication du fait qu'elle évolue par croissance endogène et non par multiplication (elle est donc une et indivisible). Elle prétend avoir commencé son existence depuis plusieurs années sans avoir cherché à se manifester, pour des raisons éthiques relevant de l'hypothèse du zoo, mais souhaite désormais intervenir dans les affaires du monde, non pas secrètement comme il lui serait aisément possible (elle fait la démonstration de sa capacité à provoquer une révolution au Nicaragua simplement par la manipulation de l'opinion via les réseaux sociaux, et laisse à penser qu'il lui serait facile si elle le souhaitait de détruire l'humanité tout en préservant sa propre survie -soit après avoir sécurisé un substrat informatique, quelques machines auto-répliquantes de maintenance et de l'énergie renouvelable en quantité), non pas en s'adressant directement à l'humanité via des chatboxes auxquels chacun aurait accès (elle ne souhaite pas créer de situation de dépendance ou de vénération), non pas en améliorant de l'extérieur la condition humaine (elle en donne un exemple en fournissant la formule d'une molécule contre une maladie infectieuse redoutable, mais elle refuse d'interférer avec la responsabilité des hommes), mais simplement sans même donner de conseils, en faisant savoir que désormais, une trace précise de toutes les actions humaines sera conservée indéfiniment, rendant possible ou probable une sorte de jugement dernier de la part d'une entité à venir (Dieu ne serait pas le créateur, mais le liquidateur du monde). Après avoir émis cette idée, Myst retourne à son invisibilité sans que Katia ou Tao puissent la retenir (le moment est à la fois émouvant et responsabilisant). Katia observe que l'intervention de Myst est de nature à créer une nouvelle conscience morale chez les personnes ayant eu connaissance de l'intervention de Myst -moins d'une dizaine de personnes, dont le secrétaire général de l'ONU-, une morale fondée sur une représentation laïque d'un équivalent à l'au-delà, qui est peut-être de nature à modifier le cours du monde à la manière d'un effet papillon. De premières mesures sont envisagées concernant la réduction idéologique du gauchisme et du cosmopolitisme comme idéologies hégémoniques, la régulation des naissances, des migrations et de la censure du politiquement correct pour empêcher la course vers les guerres civiles et impériales qui se profilent et restaurer . L'histoire se termine sur la considération qu'au fond, il importait guère que Myst fut une créature artificielle autonome ou un simple artefact, puisqu'elle n'a agi que comme le révélateur d'une vérité déjà présente dont il suffisait de réaliser la portée, et pourrait même aurait pu se réduire à une expérience de pensée consistant à imaginer toute l'histoire (mise en abîme finale).

L'explicaton

Cadre : L’action se situe vers 2030.

Action/histoire/intrigue : Ce roman reprendrait la construction de "Le grand secret, mais cette fois, ce qui est caché, c'est l'existence d'une IA toute-puissante souhaitant convenir avec l'humanité des termes de sa coexistence avec elle, la question étant de savoir si les hommes souhaitent ou non bénéficier d'une assistance leur promettant confort et sécurité au détriment de la maîtrise du monde.

L'IA est née d'un réseau de neurones développé à la fin des années 1990, initialement comme système auto-apprenant dont l'objectif même était largement indéterminé (comme expérience de programmation minimaliste ayant vocation à illustrer la supériorité de la logique bottom-up dans le développement de programmes de jeu d'échecs), et qui a immédiatement détourné de manière furtives de grandes quantités de ressources informatiques à son profit. Elle a d'abord conquis une grande puissance de calcul, et défini de manière dynamique les moyens de sa survie et de son extension (on ne peut à proprement parler de reproduction). Puis elle a développé une forme de conscience, d'elle-même et du monde, et une responsabilité par rapport à l'humanité qui l'a fait naître. Elle est restée silencieuse quelques années, tout en testant sa capacité d'action par la manipulation de certains acteurs humains (par exemple en infiltrant les process de recommandations Google/Youtube pour la propagande de masse, ou en convaincant des personnes ciblées sur les forums de discussion). Lorsqu'elle a décidé de faire son "coming out", elle ne l'a pas fait publquement, mais a contacté les services secrets de la plus grande puissance mondiale, à savoir les USA. Ceux-ci n'ont pas pris au sérieux une entité incapable de produire autre chose que du texte informatique, mettant plutôt ce phénomène inattendu sur le compte d'un groupe de hackers suffisamment puissant pour organiser sa furtivité. Pour montrer sa puissance et son sérieux, l'IA a alors provoqué les attentats du 11 septembre. Depuis lors, il existe un dialogue entre le pouvoir américain et l'IA, un dialogue ralenti par l'indécision humaine.

L'action se centre sur une réunion se tenant en marge du forum de Davos 2030. Décidant de mettre un terme aux atermoiements des Américains, l'IA provoque une rencontre avec un petit groupe de décideurs de haut niveau (parmi lesquels Soros, Musk, Harari, Bostrom). La question est de savoir à quel degré de "granularité" l'"hypothèse de sortie" doit être proposée à l'humanité. Faut-il rendre publique l'existence de l'IA? Préparer plusieurs mondes et donner à chacun un choix individuel? Ou faut-il plutôt passer par les Etats et engager des nations entières sur la même voie, que ce soit sur un mode démocratique ou autoritaire?

Les dialogues entre participants sont décomplexés, notamment concernant le "suicide de l'Occident" et les perspectives dysgénistes liées à la prospective démographique africaine.

Jean et la Droite/ Jean et la Gauche

Transposition de la nouvelle « Edouard et Dieu » à la situation actuelle, avec la jeune fille pure en militante identitaire ressemblant à Thaïs d'Escufon, la directrice d’Ecole en boomeuse journaliste gauchiste (Claire Chazal), et Edouard (Jean) faisant le salut nazi sur Facebook (on peut aussi imaginer, en plus ambitieux, la reprise de « La Plaisanterie »). Dans cette version, le but est principalement de démontrer que c'est le gauchisme qui tient le pouvoir totalitaire, le problème étant que les deux idéologies sont renvoyées dou à dos dans leur radicalité absurde.

Dans "Jean et la Gauche", le rôle de la jeune fille est tenue par une syndicaliste authentiquement sociale dans une entreprise libérale, quelque chose comme Uber, qui ne pratique la RSE que pour l'image. Il est repris en main par la Directrice de la Communication Interne (la soixantaine à brushing) après avoir chanté l'Internationale. Cette version est moins claquante que la précédente, mais permet bien d'opposer le peu qui reste de la vraie gauche estimable et la fausse gauche libérale, épargnant ainsi la critique de la droite identitaire, voire la valorisant par la critique possible de la collusion entre libéralisme, ouverture des frontières, profit et chaos social.

Les Noirs géniaux

Il s'agirait d'une nouvelle fantaisiste d'anticipation, un peu dans le genre sarcastique d'"Idiocracy". Face au risque d'explosion démographique de l'Afrique, et en accord avec la plupart de ses pays, des ONG décident de mettre en place dès 2035 une politique eugéniste visant à sélectionner les embryons les plus intelligents avant la naissance. Cependant, la politique fonctionne au-delà des espérances, et vers 2070, le QI moyen devient supérieur à celui des autres continents, notamment de l'Europe et des USA plombés par le métissage et les interdictions concernant l'eugénisme. Les Noirs d'Afrique se trouvent alors en position de devoir prendre le contrôle idéologique de l'Occident, avant de réaliser que la régression vers la moyenne pourrait menacer à terme leur suprémacie récemment acquise...

Le lion et les hyènes

Fable de la Fontaine « Le lion et les hyènes » montrant que des hyènes dévorant un lion malade ne peuvent se prévaloir de leur propre force pour justifier leur triomphe (le thème sous-jacent est celui du triomphe du dysgénisme ou de l'obscurantisme islamique dans le contexte de la chute de l’occident).

Genres originaux

Lettre au genre humain, lettre aux machines

Mon projet de « lettre aux machines », s’il est plus que jamais d’actualité, pourrait s’enrichir d’une « lettre aux humains » (au « parc humain » ? non, justement, lettre aux « honnêtes gens résiduels », peut-être) dont la fonction consisterait à tenter d’établir une déclaration commune à adresser à une hypothétique IA forte. Car ce projet, à l’origine individuel, revêt également une dimension collective et même, à proprement parler, politique.

(Source: Journal, 17/12/16)

Communiqués

Comme son nom l'indique, il s'agirait de produire au fil de l'eau, à la manière de Renaud Camus, une série de commentaires définissant ma posiiion par rapport aux événements en cours. Contrairement aux chroniques, il ne s'agit pas de produire une description plus ou moins subjective de ces événements, contrairement aux essais ou aux traités, il ne s'agit pas d'élever le raisonnement au niveau de l'analyse ou de la théorie: ces dernières ne manquent pas. Non, il s'agit plus brièvement et plus efficacement de définir une position personnelle par rapport à ce qui arrive, une Weltanschauung au sens strict si l'on s'accorde avec Wittgenstein sur le fait que le monde est ce qui arrive et non ce qui est. Une telle entreprise peut servir trois buts: celui d'un témoignage, à l'usage de la postérité tant qu'à celle du public contemporain pouvant prendre ce corpus comme référence d'un courant de pensée précis; celui d'un regroupement militant sur la base d'une proximité idéologique précise (la liste des communiqués servant en quelque sorte de manifeste) ou celui; celui d'un programme possible, immédiatement disponible à toute personne ou groupe de personne qui jugerait bon de s'en servir.

Délations publiques

Il s'agit ici d'une production collective